Dans nos listes des meilleurs films de l’année, établies selon les votes des rédacteurs d’Altyazı, c’est au tour des films turcs. Notre liste, composée de films présentés pour la première fois en 2024 dans les festivals, en salles ou sur les plateformes numériques, comprend cinq films produits en Turquie.
Alors que nous nous préparons à laisser derrière nous l’année 2024, nous continuons, comme toujours, à chercher les traces qu’elle a laissées dans les films. Dans les listes traditionnelles d’Altyazı, c’est au tour du cinéma turc. Dans notre liste intitulée Les Meilleurs Films Turcs de 2024, établie à partir des listes personnelles des rédacteurs d’Altyazı, figurent sept nouvelles productions turques. Rappelons que, cette année, nous avons établi nos listes à partir de films produits en Turquie et présentés pour la première fois dans les festivals, en salles ou sur les plateformes numériques en 2024.
À ce vote pour déterminer les Meilleurs Films Turcs de cette année ont contribué, par leurs sélections, les rédacteurs d’Altyazı suivants : Ali Ercivan, Aslı Ildır, Coşkun Liktor, Ekrem Buğra Büte, Engin Ertan, Eren Odabaşı, Hasan Cömert, Janet Barış, Kaan Denk, Kaan Karsan, Melis Behlil, Selin Gürel, Şenay Aydemir, Tanju Baran et Yeşim Burul.

- Büyük Kuşatma
Premier long métrage de Sinan Kesova, que nous avions découvert avec son premier court-métrage Hinterland (2017), Büyük Kuşatma se concentre sur les introspections de Macit après la mort de Berna Tuna, une célèbre universitaire. Ce film constitue une satire puissante de la « Eski Türkiye » (L’ancienne Turquie) et sape la nostalgie apolitique suscitée par cette époque. Tout au long du film, qui exploite avec une grande maîtrise les décors de la période de la première République, nous suivons les traces d’un état d’esprit obstiné, déterminé à maintenir en vie une histoire déjà révolue depuis longtemps. À cette texture visuelle « nostalgique » s’ajoutent des dialogues qui rendent avec subtilité – et par moments avec humour – les positions culturelles et sociales des personnages, ainsi que leurs positions et performances idéologiques.

- Tereddüt Çizgisi
Le deuxième film de Selman Nacar, Tereddüt Çizgisi, dont la première mondiale a eu lieu dans la section Orizzonti de Venise, fait suite à son premier long métrage, İki Şafak Arasında (2021). Il se concentre sur la journée difficile d’une avocate nommée Canan. Alors que le scénario suit ce fil narratif, il développe en parallèle une autre intrigue autour d’une décision cruciale que Canan doit prendre concernant sa mère. À travers un meurtre et le procès qui s’ensuit, le film offre des observations saisissantes sur l’inefficacité du système judiciaire turc, tout en faisant de l’impasse morale dans laquelle se trouve son personnage un élément central de l’histoire, plaçant la notion de « tereddüt » (hésitation) au cœur de son univers.

- Gecenin Kıyısı
Le premier long métrage de Türker Süer, Gecenin Kıyısı, dont la première a eu lieu dans la section « Orizzonti » (Ufuklar) de la 81e Mostra de Venise, est un thriller politique qui prend pour toile de fond la tentative de coup d’État du 15 juillet. Le film se concentre sur une nuit dans la vie de Sinan et Kenan, deux frères officiers issus d’une famille d’anciens militaires. La première partie, qui expose les tensions idéologiques et l’absence de communication entre les deux frères, est suivie d’une seconde partie où l’influence de la tentative de putsch se fait vivement ressentir. Le film se distingue notamment par son atmosphère tendue et met en évidence, à travers la relation des deux frères, la puissance manipulatrice du concept de « patriotisme ».

- Yeni Şafak Solarken
Le premier long métrage de fiction de Gürcan Keltek, Yeni Şafak Solarken, que l’on connaît pour ses documentaires créatifs, a fait sa première mondiale au Festival de Locarno. Il suit l’histoire d’Akın, qui vient de passer ses dernières années en traitement psychiatrique à l’hôpital. Tout au long du film, nous suivons Akın, fraîchement sorti de l’hôpital et tentant de reprendre le cours de sa vie, errant dans Istanbul pour refléter l’état mental fragmenté du personnage. Soutenu par une bande-son atmosphérique et tendue ainsi qu’une approche visuelle stylisée, le film construit Istanbul comme l’expression du monde incertain et en perpétuel changement du protagoniste, où différentes réalités s’entremêlent.

- Yurt
Le premier long métrage de Nehir Tuna, Yurt, présenté en première au 80e Festival de Venise, se concentre sur Ahmet, 14 ans, qui vit dans un dortoir géré par une confrérie religieuse et fréquente un collège privé. Le film traite des dilemmes d’un personnage coincé entre valeurs séculières et religieuses, alors qu’Ahmet subit à la fois les violences du dortoir et la pression d’un mouvement anti-intégriste. Tuna dépeint les conflits, les hésitations ainsi que le parcours d’Ahmet dans la découverte de l’amour et du désir et ses tourments adolescents, le tout porté par une cinématographie et une musique saisissantes.

- Dargeçit
Dargeçit, réalisé par Berke Baş et lauréat du prix du meilleur documentaire au 43e Festival du Film d’Istanbul, s’intéresse au combat pour la justice mené par des familles dont les fils et frères ont disparu aux mains des forces de l’État en 1995 à Dargeçit, dans la province de Mardin. Le film met en lumière la persistance d’une histoire sombre jusqu’à nos jours, tout en témoignant d’une attention particulière aussi bien envers ses protagonistes qu’envers le public. Abordant la violence sans infliger de violence émotionnelle aux spectateurs, il parvient pourtant à éveiller chez eux une forte empathie et gère la distance avec ses personnages avec un soin méticuleux.

- Hemme’nin Öldüğü Günlerden Biri
Le premier long métrage de Murat Fıratoğlu, Hemme’nin Öldüğü Günlerden Biri, présenté à la Mostra de Venise dans la section Orizzonti où il a remporté le Prix spécial du jury, a ensuite remporté le prix du Meilleur film aussi bien au Festival d’Adana qu’au Festival d’Ankara. Situé à Siverek, le film raconte l’histoire d’Eyüp qui, pour rembourser ses dettes, travaille à la récolte de tomates et, à la suite d’une altercation, se met en route pour tuer son contremaître, Hemme. Si l’on s’attend d’abord à un récit portant sur le conflit entre Eyüp et Hemme, avec un style réaliste, le film prend progressivement une tournure plus humoristique, voire presque absurde. Il met en scène une forme de « suspension », suivant la colère d’Eyüp, sans cesse différée et dispersée, que traduit la couleur rouge omniprésente dans sa texture visuelle. Bien qu’il porte des traces de différentes cinématographies et de divers réalisateurs, le film s’en démarque par son humour absurde qui lui est propre, sa conception du temps et son langage visuel singulier.
Publié le 3 janvier 2025 dans Altyazı. Pour consulter la version originale : https://altyazi.net/listeler/altyazi-yazarlari-secti-2024un-en-iyi-yerli-filmleri/
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